La dangereuse évidence des ressemblances

Nicole Lapierre

Anthropologue, Directrice de recherche émérite au CNRS

Date / Heure : jeudi 25 janvier 2024 à 18:00

Lieu : Palais des Beaux Arts, auditorium


Nicole Lapierre, socio-anthropologue, est directrice de recherche émérite au CNRS. Ses sujets de recherche sont les relations entre générations, les identités et la nomination, le thème de l’étranger dans les sciences sociales, les minorités et la mémoire. Elle est auteur d’une douzaine d’ouvrages de référence en sciences sociales et a dirigé plusieurs ouvrages collectifs. Son avant-dernier livre, “Sauve qui peut la vie”, a obtenu le prix Médicis essai en 2015. Son dernier, “Faut-il se ressembler pour s’assembler ?” a été publié au Seuil en janvier 2020. Elle est codirectrice de la revue “Communications”.

« Qui se ressemble s’assemble », dit-on. Cette dangereuse évidence justifie tous les replis et tous les rejets. Devons-nous être les mêmes pour vivre côte à côte, partager des expériences, mener des combats communs, être solidaires, camarades, amis ? Non, ce n’est ni nécessaire, ni souhaitable.
L’importance donnée aux ressemblances commence dans la famille, en tant que garantie (réelle ou imaginaire) d’une filiation biologique. Elle se retrouve dans l’idéologie de la « famille nationale », dont les liens naturalisés renvoient au mythe d’une commune origine.
Deux types de société se fondent sur cette idéologie. Le premier rejette tout ce qui est différent : il impose l’exclusion des minorités ou, dans un processus totalitaire, leur destruction. Le second, efface plus ou moins autoritairement toute trace d’altérité : il prône l’assimilation des groupes minoritaires. Ce n’est pas la même chose, bien sûr et la gravité des effets n’est pas comparable. Mais aucune de ces sociétés n’accepte les minorités telles qu’elles sont. Bien que pour des visées inverses – le repérage pour l’une, l’effacement pour l’autre – elles partagent une même obsession, celle de la visibilité des différences.
Cette conférence est une invitation à changer de regard. A l’opposé des comparaisons qui hiérarchisent les individus et les humanités, on peut en effet constater l’évidence des différences sans les classer et reconnaître les ressemblances là où elles sont, c’est-à-dire dans les formes de l’expérience.